Merci Pepe Mujica!
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José Mujica : 1935 - 2025 |
Né en mai 1935 à Montevideo en Uruguay, mort en mai 2025 en périphérie de Montevideo, ce formidable Monsieur que j’admirais depuis 2007, il s'appelait José dit "Pepe" Mujica et son existence fascinante et son combat admirable me pousse à me remettre à écrire et à veiller tard cette nuit afin de vous résumer brièvement sa vie, ses valeurs et son combat.
Pepe Mujica incarnait à merveille le contre-modèle radical aux valeurs dominantes et poisons de notre époque que sont le consumérisme, l’individualisme, la vanité du pouvoir.
Né en 1935 dans une famille de fermiers d’origine basque et italienne, José Mujica commença dans la vie comme petit vendeur de fleurs, cultivateur de légumes et maraicher à vélo. Âgé de la vingtaine, ill s’engagea en politique au début des années 50 puis, influencé par la révolution cubaine, se radicalise passé ses 25 ans pour lutter contre les injustices sociales, la concentrations des richesses et la répression policière en rejoignant le mouvement des Tupamaros (influencé par la révolution cubaine) un peu comme les Picaros dans la dernière BD « Tintin et les Picaros ».
Les méthodes radicales de ce mouvement de justice sociale incluait des actions coups de poing, des braquage de banque et la redistribution d’argent et de nourriture aux pauvres. Mujica participe alors à des vols, sabotages ou encore de la propagande armée. Blessé par balle lors d’une fusillade en 1970 il devient l’un des principaux leaders sur le terrain. Arrêté, il va alors s’évader de prison à deux reprises. Deux ans plus tard, il est définitivement arrêté et désigné avec 8 autres camarades comme « otage de la dictature ». La junte menaça de les exécuter si le mouvement des Tupamaros recommençait ses agissements.
Mujica fut alors emprisonné sans jugement par la dictature militaire uruguayenne pendant 13 années entre 1972 et 1985,
De type conservatrice et traditionnaliste, cette dictature était opposée aux mouvement sociaux (ouvriers et marxistes) et à la moindre vision progressiste ou égalitariste de la société (comme une répartition équitables des ressource, une démocratie participative ou une justice sociale).
Traversant une période d’instabilité économique (montée du chômage, inflation élevée etc.) et politique (de part les tensions croissantes entre le gouvernement et l’ensemble des mouvants sociaux), le président en exercice de l’époque organisa un coup d’État pour éradiquer la démocratie au profit d’une dictature.
Sous prétexte de la lutte contre « la subversion » (notamment des Tupamaros) il supprima la totalité de l’opposition politique dans le pays, y compris celle qui était pacifique et institutionnelle.
Avec l’aide de l’armée et des élites économiques du pays (les grandes entreprises et les banques) protégeant leurs intérêts capitalistes, le président instaura une dictature de type libérale-autoritaire. Il a immédiatement dissout les institutions démocratiques formées par le Parlement (chambre des députés et Sénats) puis suspendue la Constitution et réprimer les libertés démocratiques comme la liberté de la presse et la liberté d’expression. Il format ainsi un régime dictatorial avec les militaires, l’une des plus dures d’Amérique latine.
Fervent adversaire mais aussi victime de cette dictature, José Murica passera 13 années au cachot (one ne peut meme pas parler de prison) dont environs 7 années en isolement quasi-totale et plus de deux ans dans le fond d'un puit à grain, sans lumiere, sans hygiène et en dehors de tout contact humain. Pour ne pas sombrer dans la folie, Pepe raconta des années plus tard quelques stratégies mentales qu’il avait développé afin de ne pas sombrer dans la folie, comme « parler au fourmis » ou compter ses pas et ses respirations afin de « structurer le temps ».
Il déclara un jour : "Quand tu ne peux pas changer ta réalité extérieure, tu dois changer ton monde intérieur."
De ces nombreuses années éprouvantes de captivité, José Mujica apprit le pouvoir de l’esprit humain sur l’adversité et en tira une force extraordinaire. Désormais d’une lucidité encore plus grande sur l’importance de la vie, il fut désormais doté d’une vision radicale sur la liberté intérieure mais aussi concernant le détachement matériel et la sobriété face à la consommation.
En 1984, une transition vers la démocratie commence et un un an plus tard, c’est la fin de la dictature et des amnisties générales pour les prisonniers politiques, ce qui permet à de nombreux leader dont Mujica d’être libéré après 13 années de détention illégale (qui n’ont altéré en rien ses convictions). La souffrance et l’isolement qu’il a enduré durant ses longues années d’enfermement forgea son caractère, sa volonté ainsi que sa vision politique. En sortant il renonça à la lutte armée et ne chercha à se venger de personne. Au contraire il opta pour la réconciliation nationale et la construction d’une démocratie solide prônant l’inclusion de tous les secteurs sociaux dans la politique du pays. Mujica reconnaitra plus tard que la violence était une impasse. Il déclara « Nous étions jeunes et impatients. Nous avons compris trop tard que la violence engendre plus de violence. »
En 1989, il participe à la fondation du parti Movimiento de Participaion Poupular (MPP) au sein d’une grande coalition de gauche.
Il devint ensuite député en 1989, puis sénateur 1999 en se concentrant sur l’agriculture et les droits sociaux. De 2005 à 2008, il devint ministre de l’agriculture puis président de l’Urugay à 74 ans entre 2010 et 2015 et dans un même une figure morale mondiale, souvent citée pour sa philosophie humaniste, anticonsumériste et écologique.
Après sa présidence, la loi du pays interdisant le cumul des mandats, il redevint sénateur de début 2015 à aout 2020, puis il prit sa retraite politique la même année à l'âge de 85 ans.
Méfiant envers la concentration des pouvoirs entre les mains d’une minorité fortunée, la véritable politique pour lui (et comme pout être humain normalement constitué et n’aspirant pas à dominer autrui) ne devait pas venir d’en haut (avec les élites ou les technocrates) mais de la base, de la société civile, c’est à dire des peuples et de l’ensemble de tissu social que nous formons dans la vie réelle (mouvements sociaux, associations, ong etc.). Animé d’un idéal de justice et d’amour sincère pour son peuple, Mujica défendait une démocratie participative, vivante enracinée dans l’écoute et le dialogue constant avec la société civile.
Simplicité, Humilité, Sobriété, Générosité, Humanité, Égalité, Justice, voilà ce qu’incarnait Pepe Mujica. Durant toute sa présidence il reversa 90 % de son salaire mensuel à des œuvres sociales.
En devenant président de la république, il refusa l’ensemble des privilèges liés à sa fonction, il céda par exemple la résidence présidentielle à des associations caritatives et aux personnes dans le besoin et continua de vivre dans sa modeste ferme sans domestique ni aucun luxe avec sa femme, Lucía Topolansky, également agricultrice, ex-guérillera, puis sénatrice, première dame (puis plus tard vice-présidente de l’Uruguay de 2017 à 2020).
Il refusa également la voiture présidentielle, et se contenta de continuer de conduire sa même petite Coccinelle (tel un symbole de modestie, de constance et de refus du superflu), voiture qu’il avait acquis deux ans après sa sortie de prison en 1985, la fameuse Volkswagen Bettle de 1960 que l’on a pu apercevoir dans les célèbres films Disney sous le nom de Choupette (ou Herbie en version originale)). Il continua de l’utiliser pendant toute sa vie politique y compris pendant son mandat présidentielle de 2010 à 2015. En 2014, un cheih arabe lui proposa de la racheter pour un million de dollar, ce qu’il refusa.
Pepe nous a quitté cette nuit à l’âge de 89 ans dans sa ferme de Rincón del Cerro, en périphérie de Montevideo, des suites d’un cancer de l’œsophage. Il laisse derrière lui un héritage que peu d’hommes dans l’histoire ont su incarner, celui de la sobriété, de la sincérité, de la solidarité, du courage face au mal, aux injustices et aux sévices, et surtout l’héritage d’une vie vécue pour les autres en donnant l’exemple, en montrant par ses actions et son intégrité ce que devraient être notre boussole morale et nos principes humains fondamentaux.
Je laisse à Pepe les derniers mots de son histoire, avec une magnifique interview tirée du magnifique film Human (2015) de Yann Arthus Bertrand.
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