L'Afghanistan de 1920 à 2000 : une histoire digne de Game of Thrones!



Les trois erreurs généralement faites concernant l'Afghanistan

La vision rapide qu'ont les gens de l'Afghanistan depuis le début du XXIe siècle est celle d'un pays pauvre et rural abritant des terroristes à barbes et à turbans. Pour d'autres, l'Afghanistan est juste un pays pauvre ayant connu deux guerres, une première guerre entre les talibans moudjahidines et les russes et une deuxième guerre entre les américains et les talibans. Le grand public s'imagine souvent un pays arriéré dirigé par les talibans et où la femme fut toujours maltraitée et mal considérée. Or rien n'est plus faux! 

La première erreur consiste à croire que les talibans dirigent depuis "toujours" l'Afghanistan. En réalité les talibans ont pris le contrôle de régions de l'Afghanistan à partir de 1992 et plus encore à partir de 1996 avec la prise de la Capitale. Ils n'ont d'ailleurs réussit à s'étendre et à prendre le pouvoir que grâce au soutien sans faille et continue de la CIA, l'agence centrale de renseignement chargée de l'espionnage et de la plupart des opérations clandestines effectuées hors du sol américain. La CIA est d'ailleurs juridiquement indépendante du gouvernement des Etats-Unis. Avant l'intervention étasunienne, les talibans étaient jusqu'à alors des barbus fondamentalistes vivant dans les montagnes et qui ne souhaitaient pas que leur traditions soient remises en cause. Avant que les Etats-Unis interviennent dans ce pays pour contrer les soviétiques, l'Afghanistan se portait très bien et été dirigé par des gens civilisés qui avaient à coeur de développer leur pays, qui connaissait depuis des décennies, un véritable essor aussi bien dans les domaine du social, des moeurs et de l'éducation.

La deuxième erreur souvent commise est de penser que la première guerre d'Afghanistan opposa les afghans aux envahisseurs russes. Là encore, rien n'est plus faux! La première guerre d'Afghanistan n'opposa pas les afghans aux soviétiques mais le gouvernement communiste afghan et la population afghane des villes épaulée de l'armée de l'URSS face aux moudjahidines et aux talibans extrémistes et fondamentalistes. De la même manière que la guerre en Syrie voit aujourd'hui s'opposer le gouvernement bassiste de Bachar Al-Assad épaulé de l'armée russe de Vladimir Poutine contre les terroristes islamistes. On a voulu faire croire de la même façon au monde que les soviétiques avaient envahit l'Afghanistan et imposé le communisme de la même manière qu'on veut nous faire croire que les russes ont envahi la Syrie en 2015 et massacré la population syrienne alors que dans les deux cas ils sont venus sur la demande du gouvernement légitimement en place (et aussi pour protéger leurs intérêts, ce qui est bien normal).

La troisième erreur est de penser que l'Afghanistan fut toujours dirigé par des barbus arriérés à l'idéologie fondamentaliste archaïque. Avant l'intervention guerrière anglosaxonne, les hommes politiques afghans furent tous éduqués à la mode britannique et prônaient un modèle de société à l'européenne.

Premières avancées envers la femme en Afghanistan dès 1920

Dans les années 1920, le roi Amanullah Khan et son ministre des affaires étrangères Asma Rasmiya Tarzi contribuèrent fortement à l'émancipation de la femme afghane. 

le roi Amanullah Khan (notez le design complètement européen des costumes)
Amanullah Khan fut émir d'Afghanistan durant plus de sept ans (du 28 février 1919 au 9 juin 1926) puis roi durant plus de deux ans (du 9 juin 1926 au 14 janvier 1929). Il était le fils d'Habibullah Khan, l'émir d'Afghanistan de 1901 à 1919, le déclarant indépendant des britanniques.

L'émir Habibullah Khan, le père d'Amanullah Khan
le roi Amanulaah Khan fils de l'émir Habibullah
Amanullah Khan mènera son pays vers une décennie de développement, basé sur le modèle européen, il créera par exemple trois lycées en langues étrangères.  Entre 1927 et 1928, il entreprit un voyage officiel à travers l'Europe afin d'observer lui-même les réformes et l'industrialisation de ces pays pouvant servir d'exemple à ses futures réformes. De retour en 1928, il lance alors une série de réformes gouvernementales lors de la grande Assemblée des notables (la Loya Jirga) qui moderniseront en profondeur la société afghane (notamment la demande d’émancipation des femmes). Il prône alors la liberté de mouvement pour tous, il tente de supprimer le port du voile pour la femme en prônant notamment la liberté vestimentaire. Il interdit la polygamie et fait aussi publier un décret interdisant le mariage des jeunes filles contre le consentement et fixe pour le mariage un âge minimal de 18 ans. Il fera ouvrir des écoles modernes dans tous les départements et rendit la scolarisation des garçons et des filles obligatoires. Il fut d'ailleurs l’origine de la première école pour fille de Kaboul et donc du pays. Il força les afghans de Kaboul à porter des vêtements européens. Pour cela il ordonna le port de jaquettes et de pantalons droits, ce qui supposait aussi le port de chaussettes, de souliers et d'une ceinture, les pantalons bouffants furent interdits. Cependant son décret royal ne suffit pas à supprimer le port du voile (1). 

La puissance britannique détruisit l’essor de la société afghane

Les britanniques furent les premiers à considérer le roi Amanullah comme une menace contre leurs intérêts dans la région et encouragèrent donc la révolte des religieux opposés à la transformation de la société. Ces intégristes (ennemis de l’Etat) incitèrent alors à la rébellion parmi les tribus pachtounes. L'armée du roi va être confrontée au soulèvement de la tribu pachtoune des Shinwaris dans l'Est du pays et un certain Bacha e Saqao commence à menace Kaboul par le Nord. En Janvier 1929, pour éviter un bain de sang, le roi Amanullah décide d'abdiquer en faveur de son frère ainé Inayatullah Shah. Il part alors s'installer à Kandahar, une ville du sud de l'Afghanistan. A peine trois jours plus tard, Kaboul est prise par Bacha e Saqao qui s'auto-proclame émir sous le nom d'Habibullah Kalakânî. Inayatullah le frère d'Amanullah alors tout nouveau roi, négocie avec Bacha e Saqao son abdication et son départ le 17 janvier. Après trois jours de règne, Inayatullah va rejoindre son frère Amanullah à Kandahar. Ce dernier qui avait régné plus 9 ans sur le pays, décida de revenir sur son abdication. Son frère décida quant à lui de quitter l'Afghanistan. Après une escale à Bombay en Inde, Inayatullah prendra le chemin de Téhéran en Iran, où il vivra encore 15 ans avant d'y mourir le 12 août 1946. 

Revenons-en à l'année 1929 et à la décision d'Amanullah, le roi légitime, de reconquérir son trône. Avec le soutien des tribus lui étant restées fidèles, l'ancien roi se lance alors à la reconquête de Kaboul. Malgré son avancée jusqu' à Ghanzni, il décide de se retirer définitivement au mois de mars 1929. Il prend alors le chemin de l'exil via l'Inde avant de s'installer définitivement à Rome. Il mourra à Zurich en Suisse en 1960. Ses enfants et petits enfants vivent aujourd'hui entre Rome, Genève et Istanbul. Les descendants de son frère vivent quant à eux entre les États-Unis, la Suisse et Kaboul.

Le roi fut en définitive détrôné par une rebellion tribale qui s’opposa à sa politique de modernisation. Il avait eu le malheur d'imposer une réforme agraire minimale, de donner le droit de vote aux femmes et commencer à éduquer les jeunes filles. Les élites rurales ont apprécié les belles routes mais pas les impôts pour les financer. Le peuple des campagnes a accepté les améliorations agricoles mais pas l’assaut contre le patriarcat. Les fondamentalistes religieux quant à eux n'apprécièrent aucune réforme et surtout pas les mesures visant à émanciper la femme.

L'avènement bref d'un nouveau roi nommé Mohammad Nadir Khan 

Le retrait de l'ancien roi Amanullah en mars 1929 ne fut pas pour autant synonyme de victoire pour Bacha e Saqao, le nouvel émir autoproclamé d'Afghanistan. Un afghan du nom de Mohammad Nadir Khan qui vivait à l'époque en France décida de rentrer au pays pour prendre la tête de la résistance. Au mois d'octobre 1929, son frère, le général Shah Wali Khan défait l'armée de l'usurpateur Habibullah (Bacha e Saqao) qui s'enfuit dans les montagnes. Le lendemain, le général Mohammad Nadir Khan entre à Kaboul en héros et se proclame roi sous le nom de Nadir Shah. 

Mohammad Nadir Khan est le fils d'un ancien émir d'Afghanistan exilé en Inde, il fut nommé ministre plénipotentiaire (équivalent à notre époque d'ambassadeur) en 1924 par Amanullah Khan (époque où il était émir). Il fut ambassadeur du pays à Paris durant deux ans. Très attaché à la tradition, il désapprouva la rapidité de la politique de modernisation du roi Amanullah. Deux ans plus tard, il lui envoie sa démission et se retire sur la Côte d'Azur dans le sud de la France. Lorsqu'il apprit qu'Amanullah avait renoncé à reprendre son trône en 1929, il décida de saisir sa chance.

Le nouveau roi dû alors composé avec prudence entre les théologiens sunnite (les oulémas) et les partisans de l'ancien roi (dont il craignait toujours le retour) Les partisans de l'ancien roi sont surveillés et certains même arrêtés. Des intellectuels sont jetés en prison, d'autres sont exilés. Trois ans après son auto avènement Nadir Shah fait assassiner un des hommes les plus influents dans le pays. Un an plus tard, le roi est assassiné à son tour de trois balles tirées à bout portant lors d'une remise de prix par un jeune étudiant voulant venger la mort d'un dénommé Tcharkhi pour qui son père avait été serviteur.

L'avènement de Zaher Shah, le dernier roi d'Afghanistan

Son fils Mohammad Zaher Shah, tout juste 19 ans, ancien Ministre de la guerre en 1932 et Ministre de l'éducation au moment de la mort de son père, prendra sa succession. Son règne durera 40 ans, de 1933 à 1973, il sera le dernier roi d'Afghanistan.

Mohammad Zaher Shah, 1933
Mohammad Zaher Shah, 1934
Mohammad Zaher Shah quelques décennies plus tard
Avant d'être nommé Ministre de la guerre puis roi à la mort de son père, Zaher Shah fit ses premières classes au lycée français Istiqlal de Kaboul puis au collège Habiba dans la même ville. Il poursuivit ensuite ses études en France, à Paris, au lycée Janson-de-Sailly puis au lycée Michelet et enfin à Montpellier. Il rentrera en Afghanistan pour intégrer l’École des officiers d’infanterie à Kaboul en 1930. Un an après être devenu roi, il fit adhérer son pays à la société des Nations (l'ancêtre de l'ONU). Deux ans plus tard, il signe des accords commerciaux avec l'URSS puis l'année d'après avec la Turquie, l'Iran et l'Irak. En aout 1940, le roi convoque une assemblée traditionnelle réunissant les chefs religieux, tribaux et militaires afin de proclamer la neutralité de son pays pendant la seconde guerre mondiale.

La condition des femmes sous le règne de Mohammad Zaher Shah, dernier roi d'Afghanistan (1933-1973)

Le mouvement de libération de la femme entreprit dès les années 20 sous le règne d’Amanullah Khann continuera de s'accentuer sous Mohammad Zaher Shah dans les années 40 et 50 puis durant la période communiste dans les années 70 et 80. Les communistes joueront d’ailleurs un rôle actif pour que les femmes travaillent et soient éduquées.

En 1959, l'émancipation des femmes est officiellement proclamée en Afghanistan. Elles ont désormais le droit ne plus porter le voile ou le chadri (bien qu'aucun décret n'ait jamais imposé leur port). Quiconque contraignait une femme à porter le voile devient alors punissable par la loi. En 1964, la première constitution de l'Afghanistan rend la Monarchie Constitutionnelle avec le droit de vote pour les hommes et les femmes. Quatre femmes sont élues au suffrage universel à la première assemblée nationale, l'égalité des hommes et des femmes devant la loi est prononcée ainsi que la scolarisation obligatoire pour tous les enfants filles et garçons. En 1965, la première femme est nommée ministre de la santé.

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Coup d'état puis avènement de la République et du premier président d'Afghanistan (1973)

Le 17 juillet 1973, le cousin du roi, l’ancien Premier ministre Mohammad Daoud Khan décide de s'accaparer le trône royal pendant que le roi est en voyage en Europe. Afin d’éviter un bain de sang, le roi Mohammad Zaher Shah abdique le 24 aout 1973 après 40 années de règne. Mohammad Daoud Khan proclame alors la République et devient le premier président de la République d’Afghanistan et il installe un gouvernement communiste (sept membres de son gouvernement sont du Parti Communiste Parcham). Il mit alors en place une politique économique assez répandue, recourant à la planification et à l’investissement public pour bâtir un secteur industriel privé et créer un marché intérieur.

Qui était Mohammad Daoud Khan avant d’être le premier président de la république d’Afghanistan?

Premier Ministre de 1953 à 1963 durant le règne de son cousin Zaher Shah, Daoud tenta de moderniser et d'industrialiser le pays. Durant son mandat, il maintenu le statut politique de neutralité entre les Etats-Unis et l'Union Soviétique (qui étaient pleine guerre froide) mais soutenu ouvertement les Pachtounes dans leur confrontation de 1963 contre le Pakistan pour le contrôle routier qui permettait à son pays d'avoir accès à la mer. Ce conflit créa une grave crise économique qui le contraint à la démission de son poste de Premier Ministre. Victime ensuite de la loi constitutionnelle de 1964 qui empêchait tout membre de la famille royale d'exercer un quelconque poste politique ou militaire, il prend alors le contrôle du pays (avec le soutien de l'armée de l'Union Soviétique) le 17 juillet 1973 lorsque son cousin le roi Mohammad Zaher Shah était en Europe. Un coup d'état sans effusion de sang similaire à celui de Libye quelques années plus tôt. Mouammar Kadhafi, à l'époque jeune capitaine libyen de 27 ans fit en effet la même chose le 1er septembre 1969 alors que le roi Idriss Ier était en déplacement en Turquie.

Deux ans plus après la prise de pouvoir de Daoud, le nord-est de l'Afghanistan se révolte contre le régime de Kaboul considéré comme athée et s'organise alors en mouvement islamiste opposé aux communistes. C'est la naissance des premiers mouvements de révoltes islamistes. Une révolte éclate le 22 juillet 1975 et fut écrasée par l’armée acquise communiste dans la vallée du Panchir. Deux personnes phares de l'histoire moderne de l'Afghanistan participèrent à cette révolte : le futur commandant Massoud (1953-2001) et Burhanuddin Rabbani (1940-2011) qui fut ensuite Président de la République du 28 juin 1992 au 27 septembre 1996 puis du 13 novembre 2001 au 22 décembre 2001.

L'exécution de Daoud par le Parti démocratique populaire d'Afghanistan

Bien que les soviétiques aidèrent Daoud à prendre le pouvoir en 1973, ce dernier leur tourna le dos en 1977. Les soviétiques offrirent alors un soutien militaire et financier au parti démocratique populaire d'Afghanistan (PDPA) qui organisa un putsch militaire pour le renverser. Le 17 avril 1978, il est dit que le président Daoud commandita l’assassinat de Mir Akbar Khyber, un éminent membre du Parti démocratique populaire d’Afghanistan (PDPA). Quoiqu’il se soit réellement passé, une chose est sûre, Khyber fut assassiné et plusieurs membres du PDPA furent arrêtés par le gouvernement juste après ses funérailles. Un certain nombres d'officiers de l'aile militaire du PDPA réussirent cependant à rester en liberté et s'organisèrent. Dix jours plus tard, le 27 avril 1978, le Parti démocratique populaire d'Afghanistan, aidé par de nombreux soldats mutins de l'armée nationale afghane, renverse le régime de Mohammad Daoud en prenant d'assaut le palais présidentiel. Dans la matinée du 28 avril 1978, Mohammed Daoud et dix-sept membres de sa famille furent exécutés par les partisans communistes. Ce soulèvement est connu comme la "Grande Révoluion Saur ("saur" se référant au mois d'avril dans le calendrier persan) Entre mille et trois mille personnes furent tuées durant le coup d’État communiste de 1978. De nombreuses personnes dont beaucoup de membres de la famille royale furent également jetées en prison.

La naissance de la République démocratique d'Afghanistan (1978)

Nour Mohammad Taraki, président du Conseil révolutionnaire de la République démocratique d'Afghanistan
du 30 avril 1978 au 14 septembre 1979.

Le 1er mai 1978, Taraki, Premier ministre et Secrétaire Général du PDPA (qui avait été arrêté quelques semaines plus tôt après les funérailles de Khyber) devint Président du Conseil révolutionnaire du pays qui fut alors rebaptisé République démocratique d'Afghanistan. Un homme du nom d’Hafizullah Amin fut nommé Premier Ministre. (Retenez bien ce nom, c'est l'homme qui sera à l'origine de la décision de l'URSS d'envahir l'Afghanistan). De violentes répressions éclatèrent suite à ce coup d'état. Les communistes au pouvoir exterminèrent ou jetèrent en prison et torturèrent les communistes du Parcham, le parti communiste fidèle à Daoud, le président autoproclamé qui venait tout juste d’être assassiné. Sauf que pendant tout ce temps où les communistes s’écharpaient entre eux, les fanatiques religieux fondamentalistes qui étaient anti-progrès et anticommunistes, s’organisaient dans le Nord Est.

Taraki demanda alors le soutien de l'Union Soviétique et Moscou envoya alors plusieurs centaines de conseillers politiques pour y faire progresser un courant de pensée et un mouvement politique bien connu chez nous le socialisme. L'Afghanistan étant à l'époque un pays rural, la grande majorité des afghans n'avaient pas d'emplois, le gouvernement communiste afghan a donc cru qu'il était préférable de procéder à une réforme agraire et d'octroyer des terres à ce qui n'en avaient pas afin d'accroitre leur niveau de vie (la même chose a été fait en Amérique du Sud par tous les gouvernements socialistes). En Amérique du Sud, les paysans en furent ravis, les seules qui ont été contre étaient les multinationales étrangères qui s'étaient accaparer sans concession les terres de ces pays et les quelques riches propriétaires nationaux. Le problème est que faire cela en Afghanistan entrait en violation avec les anciennes traditions afghanes. Dans les campagnes, cette réforme couplée à la réforme sur l'éducation et la libéralisation de la femme étaient directement perçues comme une menace aux coutumes ancestrales et à l'autorité des mollah, ces prêtres islamiques à la vision extrémiste et archaïque du monde. Dès 1978, la lutte contre le nouveau régime communiste et ses réformes agraires et éducatives est tout d'abord spontanée dans une population peu intellectuelle et peu politisée qui va se rassembler au nom de la défense du mode de vie qu'ils ont connu et de l'islam. Le jihad est alors un thème fédérateur dans les campagnes et le soutien aux moujahidines est fort. Afin de contrer les communistes qui répandent leur nouvelles doctrines (notamment la favorisation de l'éducation), les opposants au réforme incendient les écoles et les universités. Des milliers d'afghans refusant la violence fuient alors l'agitation révolutionnaire, 400 000 fuirent au Pakistan (dont les Kirghizes du Wakhan) et 60 000 en Iran. L'erreur de Taraki fut de vouloir imposer des réformes et une vision communiste trop vite. Même les autorités de Moscou ne comprenaient pas à l'époque comment le gouvernement communiste de Kaboul  pouvait réussir à organiser le socialisme en seulement cinq ans. Dans un sens, le président Taraki commis la même erreur que le roi Amanullah Khan cinquante année plus tôt et se heurta à la même résistance religieuse traditionaliste et fondamentaliste ne souhaitant aucune évolution de la société.

Durant toute cette période, son premier Ministre Amin prend de plus en plus d’importance au sein du gouvernement et cherche à confisquer le pouvoir, affaiblissant toujours un peu plus le Président Taraki. Dans le même temps, une résistance encouragée par les États-Unis s’organise dans les milieux islamistes. Zbigniew Brzezinski (auteur du fameux ouvrage Le Grand Echiquier), ancien conseiller pour la sécurité du président américain Jimmy Carter, révélera bien plus tard, en 1998, que, dès « le 3 juillet 1979, le président Carter avait signé la première directive sur l’assistance clandestine aux opposants du régime prosoviétique de Kaboul », souhaitant entraîner les Russes dans le « piège afghan ».

Assassinat du président Taraki par Amin (1979)

Craignant que la fièvre de la rébellion islamiste ne gagne les quelques 40 millions de musulmans vivant en URSS, le président russe Leonid Brejnev insiste auprès de Taraki pour qu’il remplace son premier ministre Amin par son rival de longue date, le modéré Karmal. Informé du complot, Amin fait assassiner Taraki à son retour de Moscou, le 16 septembre 1979 et prend sa place. Refusant d'être une marionnette au mains de Moscou, Amin dirige alors le pays d'une main de fer. Selon les Soviétiques,  500 membres du parti communiste afghan furent assassinés, les chiffres afghans eux font état de 15 000 à 45 000 morts. Amin multiplie les rencontres avec des homologues de Washington, exige le départ de l’ambassadeur russe et ordonne à ses compatriotes de ne plus obéir aux « étrangers en uniformes » présents sur le sol afghan. Il aurait même déclaré aux Américains qu’il était prêt à expulser tous les conseillers soviétiques. 

L'URSS envahit l'Afghanistan et execute Amin, le meurtrier de Taraki (1979)

L’URSS ne pouvant tolérer plus longtemps ces provocations et de perdre les solides relations diplomatique, économique et militaire qu'elles avaient établies avec l'Afghanistan dès son indépendance en 1919, décide alors d'envahir l'Afghanistan le 24 décembre 1979 et de mettre eux-même Babrak Karmal au pouvoir, un orateur afghan talentueux qu'ils voulaient déjà mettre au poste de Premier Ministre lorsque Taraki était encore président. Diplômé en droit de l'université de Kaboul, Babrak Karmal était également l'un des 28 fondateurs du Parti démocratique populaire d'Afghanistan. Amin est tué à Kaboul par les spetsnaz (les forces spéciales d'intervention russe) au cours des brefs combats pour la prise du pouvoir à Kaboul et Karmal pris sa place comme prévu.

Malheureusement l'intervention soviétique pour sauver le régime en 1979 ne fit qu'étendre les mouvements de résistance qui s'organisèrent et reçurent des soutiens de l'extérieur. L'Arabie Saoudite et les États-Unis contribuent largement au financement et à l'équipement de ces derniers, par l'intermédiaire du Pakistan (plus exactement de leurs services secrets, l'Inter-Services Intelligence (ISI)) qui organise et distribue fonds et matériel tout en servant de base arrière aux combattants. La lutte contre les communistes va alors engager des combattants djihadistes du monde entier, venus "libérer" l'Afghanistan. Les réseaux transnationaux de capitaux, de combattants, d'armes et de drogue s'établissent en Afghanistan et participent de la création d'une nouvelle économie de la guerre et de la transformation sociale qui contribue à la persistance du conflit. 

Karmal - Chamkani - Najibullah

Durant son mandat, Karmal va perdre sa popularité. Le peuple lui-même fatigué par ce régime, déclenche alors une guerre civile qui oppose les forces soviétiques et la population afghane. Les rebelles organisent des attaques contre leurs opposants et prennent bientôt le dessus. En 1979, pensant qu'une révolte armée contre les communistes recevrait le soutien du peuple, le jeune commandant Massoud alors âgé de 26 ans (qui avait déjà tenté une insurrection contre les communistes en 75) commence une insurrection dans sa région, le Pandjchir. Après un premier échec, il réussit dans un second temps à prendre contrôle entier du Pandjchir et chassa les troupes communistes afghanes.


Le prestige personnel et l'efficacité de l'organisation militaire de Massoud persuade les commandants locaux de venir et apprendre auprès de lui. Dès le début de la guerre, les moudjahidines de Massoud attaquent les forces d'occupation soviétiques, prennent en embuscade les convois afghans et soviétiques traversant la passe de Salang et provoquent des pénuries de carburant dans Kaboul. Malgré de constantes attaques de la part de l'Armée rouge et de l'armée afghane, Massoud augmente sa force militaire. Ayant débuté en 1980 avec une force de 1 000 guérilleros mal équipés, les moujahidines de la vallée du Pandjchir atteignent un effectif de 5 000 hommes en 1984 et 13 000 combattants en 1989. L'armement des moudjahidines est constitué d'armement soviétique pris à l'ennemi. La plupart des armes et munitions sont récupérées sur le champ de bataille, seuls 20% de l'armement sont importés par les caravanes.

L'URSS, reprochant la situation du pays au président communiste Karmal, le retire du pouvoir en 1986 et l'accueille en Union soviétique. Il est remplacé à titre intérimaire par Mohammad Chamkani, à l'époque vice-président du Conseil révolutionnaire. Un an plus tard, Karmal redevient vice-président et cède sa place à Mohammad Najibullah, jusque-là chef des services secrets, qui le remplaça à la tête du Parti démocratique populaire d'Afghanistan et devient d'emblée l'homme fort du régime, avant de devenir officiellement chef de l'État. Pourtant ces changements multiples à la tête de l'exécutif ne changent strictement rien, les troupes soviétiques s'enlisent, l'opinion publique russe s'insurge contre cette guerre meurtrière et finalement les troupes se retirent en 1989 après la signature des accords de Genève sans que la pérennité du régime afghan ait été garantie. Ce retrait soviétique signe aussi celui des États-Unis (du moins leur retrait officiel). 

Mohammad Najibullah, ancien chef des services secrets du régime communiste aghan. Président de 1987 à 1992.
Najibullah sera le dernier chef d'Etat de la République démocratique d'Afghanistan. Durant son court mandat, il poursuivit les politiques économiques de Karmal. L'augmentation des liens avec le bloc de l'Est et l'Union soviétique a continué tout comme le commerce bilatéral. Il a également encouragé le développement du secteur privé dans l'industrie.

Juste après le départ soviétique, Najibullah tente de consolider le régime et remodèle le gouvernement qui connaissait une crise interne et déclare l'état d'urgence après l'enlèvement d'un ministre ; il remplace tous les ministres sans partis du gouvernement. L'Union soviétique continue d'aider l'Afghanistan militairement, économiquement et en fournissant des aides d'urgence en nourriture et carburant, pour cause d'hivers rigoureux en 1989 et 1990 qui entraînèrent des pertes de récoltes. Une grande partie de l'équipement militaire appartenant aux unités soviétiques évacuant l'Europe de l'Est est fournie au gouvernement afghan avec un approvisionnement assuré ; L'armée de l'air afghane, qui avait développé une tactique réduisant au minimum la menace des missiles Stinger américain utilisés par les moudjahidines, décourage des attaques de masse des moudjahidines contre les villes. 

Toutefois, même après le retrait des soviétiques en 89, les combats ne cessèrent pas pour autant, une autre guerre civile venait de remplacer la guerre contre l'occupant. Les moudjahidines, avec le soutien des services secrets pakistanais lancent une grande offensive qui débute le 5 mars 1989 et  obtiennent des succès contre les troupes gouvernementales, capturant le village de Samarkhel et l'aéroport de Jalalabad. Des missiles à moyenne portée, en particulier des Scuds, sont lancés par l'armée gouvernemental avec succès de Kaboul pour la défense de Jalalabad à 235 kilomètres de distance. La victoire de Jalalabad rétablit nettement le moral du gouvernement de Kaboul. Son armée prouve qu'elle est capable de combattre efficacement à côté des troupes déjà endurcies des forces spéciales soviétiques - qualifiées de sécurité. L'appui soviétique atteint une valeur de 3 milliards de dollars par an en 1990. Kaboul a remporté une victoire qui montre les faiblesses des moudjahidines, politique et militaire. 

En 1989, Massoud n'était toujours pas en mesure de reprendre la capitale. Il devait faire face à l'armée afghane et surtout à la milice du pachtoune Gulbuddin Hekmatyar, financé par les services secrets américains (CIA) et pakistanais (ISI). Le jeu américain consistait alors à soutenir les combattants les plus fondamentalistes, estimant qu'ils seraient les plus féroces au sein de la lutte contre l'occupant soviétique. Ainsi Hekmatyar reçut au cours du conflit près de 80 % de l'aide américaine.

Le gouvernement de Najibullah réussit à survivre deux années de plus face aux moudjahidines et à l'armée de Massoud. Par la suite, les divisions dans ses propres rangs affaiblissent la résistance de son gouvernement. En mars 1990, son gouvernement résiste à un coup d'État du Khald, dirigé par son ministre de la Défense Shahnawaz Tanai. Najibullah travaille alors à un compromis pour finir la guerre civile avec Ahmad Shah Massoud, chef de l'armée islamique et commandant du Front Uni Islamique et National pour le Salut de l'Afghanistan, soutenu par les Nations unies. Il tente de lancer une politique de « réconciliation nationale » mais les discussions tournent court et il échoue.

Le Front Uni

Les groupes armés formant l'armée de Massoud sont presque tous issus des moudjahidines qui ont combattu l'armée soviétique de 1979 à 1989 pendant la guerre d'Afghanistan et le régime communiste afghan lors de la guerre civile afghane de 1989 à 1992. Plus tard, lors de la prise de pouvoir des talibans en 1996 (soutenus par les Etats-Unis), ces groupes armés décideront en revanche de se rassembler pour les combattre. À l'inverse, à la suite des attentats du 11 septembre 2001, les États-Unis décideront alors de soutenir militairement le Front Uni pour renverser les talibans (qu'ils avaient auparavant mis en place). C'est ainsi qu'en un peu plus de deux mois, entre la fin 2001 et le début de l'année 2002, le Front Uni a pu prendre le contrôle total du pays.

La fin de Najibullah 

Pour revenir à 1992, après l'échec des négociations, Najibullah accepte de se ranger en faveur d'un gouvernement transitoire. Il annonce également qu'un parlement pluripartie serait établi « dans quelques mois », sur la base « d'élections libres et démocratiques ». Au cours du mois d'avril 1992, après trois ans de résistance face aux moudjahidine, la République Démocratique d'Afghanistan s'effondre sous la pression des rebelles. Frank Anderson, directeur de la mission afghane pour la CIA déclara de ces derniers durant cette période. "Il est donc tout à fait vrai de dire que cette guerre s'est menée avec notre or mais avec leur sang". Pendant l'hiver 1992, Kaboul, privait de l'aide soviétique (l'URSS ayant disparu et Najibullah ayant démissionné) se retrouve sans carburant ni nourriture. Le 17 avril 1992, Kaboul tombe entre les mains des moudjahidines, Najibullah essaye de fuir Kaboul pour Moscou mais il en est empêché par Abdul Rachid Dostom, un seigneur de guerre afghan (vice président de l'Afghanistan depuis 2014), allié du commandant Massoud qui tout deux se révoltèrent contre le président Najibullah et réussirent en 1992 à prendre la capitale Kaboul.

La chute du régime de Najibullah en 1992, ne pacifia en rien le pays. S'engage alors une lutte pour le pouvoir entre les vainqueurs du régime communiste. La guerre civile est particulièrement destructrice et meurtrière. Kaboul, qui est assiégée pendant presque toute la période, est presque totalement détruite par les bombardements. Les exactions et massacres sont nombreux et toute la lumière n'a pas encore été faite à ce jour sur ces crimes de guerre. De plus, les violences vont conduire de nombreux Afghans à l'exil, principalement vers le Pakistan et l'Iran, s'ajoutant à ceux qui avaient déjà fui l'invasion soviétique et formant ainsi la communauté de réfugiés la plus importante au monde.

Au cours des quatre années qui suivent, Kaboul sombre dans une barbarie incommensurable. Les groupes moudjahidines en guerre plongent le pays dans les ténèbres, au sens propre comme au figuré : les réverbères et les lignes de courant des bus électriques sont saccagés ; les services publics cessent de fonctionner. Les combats entre factions couvrent la moitié de la ville, et l’on estime à cent mille le nombre de tués, pour la plupart des civils. L'Afghanistan est fragmenté en une série de petits fiefs où des seigneurs de guerre font régner la terreur sur les populations locales. Les routes sont devenues particulièrement dangereuses. Les trafics en tout genre alimentent largement le marché noir et la culture du pavot explose afin de financer les commandants locaux. 

Le président Najibullah avait lui trouvé refuge dans le bâtiment des Nations unies à Kaboul, où il restera en détention virtuelle jusqu'en 1996 (le bâtiment de l'ONU ayant le même statut qu'une ambassade étrangère). Le jour de la prise de Sarobi (un district de Kaboul) par les talibans, Najibullah envoya un message de détresse aux Nations unies à Islamabad, leur demandant de l'évacuer de Kaboul avec son frère Shahpur Ahmadzai ainsi que leurs compagnons. Mais l'ONU ne répondit pas en raison du brouillage de son message par les services spéciaux pakistanais favorables aux talibans. La femme de Najibullah, Fataba et leurs trois filles, elles, avaient réussi à se réfugier à New Delhi en 1992.

Le commandant Massoud qui était un homme d'honneur proposa de manière surprenante à l'ex-président de l'évacuer, en lui proposant de suivre les moudjahidines dans leur retraite vers le nord, lui assurant ainsi le passage vers un pays de l'ex-URSS. Sûr de la protection des Nations unies à son égard, Najibullah refusa. Il envoya un dernier message désespéré via la radio onusienne vers Islamabad mais il était trop tard : un commando spécial taliban de cinq hommes sous les ordres du mollah Abdul Razak, chef militaire des talibans, avait été désigné pour le supprimer. Najibullah est traîné en dehors de l'immeuble des Nations unies avec son frère et ses compagnons. Les talibans le torturent, le contraignent à signer des papiers liés à la ligne Durand (délimitant la frontière entre l'Afghanistan et le Pakistan), puis Najibullah et son frère sont transportés au palais présidentiel, à nouveau torturés puis tués. Pour finir, les talibans suspendent leurs corps aux poteaux de signalisations juste en dehors du Palais, là où jadis il avait critiqué le Pakistan pour son intervention dans la guerre afghane, à seulement quelques blocs du siège des Nations unies à Kaboul. Le mollah Mohammad Rabbani, nommé à la tête du Conseil suprême à Kaboul déclara que Mohammad Najibullah a été condamné à mort pour avoir été communiste et meurtrier et lui interdit un enterrement religieux. Son corps est ramené à Gardez (province de Paktia), où il était né, pour y être inhumé.

La communauté internationale dans son ensemble et plus particulièrement les pays musulmans condamnent fermement l'assassinat de Najibullah et l'ONU affiche son désespoir dans un rapport du conseil de sécurité après son assassinat. Des résolutions sont prises à l'encontre du gouvernement taliban à la suite de son exécution. Depuis l'Inde, Fataba, veuve de Najibullah, dépose en décembre 1996 une plainte au tribunal international de La Haye où elle demande un procès des meurtriers et commanditaires du meurtre de son mari et beau-frère. Elle renouvellera sa demande plusieurs fois par la suite, la dernière datant de janvier 2015.

Ahmed Chah Massoud, le che guevara afghan


Comme je l'ai dit plus haut, Massoud était un homme d'honneur et n'avait rien d'un islamiste radical ou des sauvages chefs de guerre talibans. Homme important de l'histoire afghane, héro pour bon nombres d'entre eux, l'homme qui fut surnommé le "Lion du Pandchir" a su se battre pour ses convictions et pour libérer son peuple et son pays de l'occupation.

Son père était un colonel dans l'armée royale afghane de Mohammad Zaher Shah. Il passera son enfance dans le Pandchir puis étudia ensuite à Kaboul. Considéré comme un élève doué, il étudie au Lycée français de Kaboul puis poursuivit des études d'ingénieur à l'Université de la Capitale. Massoud parle le pachtoune, le ourdou, le français et sait lire l'anglais.

Quand Massoud n'a encore que 20 ans, l'ancien Premier Ministre Daoud Khan rappelez-vous prend le pouvoir par un coup d'Etat avec le soutien du parti communiste afghan et chasse son cousin le roi Zaher Shah qui régnait légitimement depuis 40 ans. Cet évènement donne naissance au mouvement islamiste et islamique, opposé à la progression de l'influence communiste et soviétique dans le pays. Sans parler d'idéologie, cette réaction est tout à fait logique et légitime. De la même manière, quand la France était occupée par les nazis, des mouvements opposés à ce régime et à la France de Vichy se formèrent pour conserver leur indépendance et résister et même combattre les envahisseurs et les traitres à la patrie. La trahison et le coup d'Etat de Daoud Khan et du parti communiste afghan qui mirent un terme à 40 ans de monarchie royale, un règne qui en toute objectivité fut un règne prospère provoqua un soulèvement. A cette période, l'Université de Kaboul où étudiait Massoud était d'ailleurs le centre de l'activisme politique. Massoud participe à l'Organisation de la jeunesse musulmane, la branche estudiantine de la Société Islamique présidait par Burhanuddin Rabbani (13 ans de plus que Massoud).

Fracture idéologoqique et schisme islamique au sein de la Société Islamique

Deux après le coup d'état de Daoud Khan, un soulèvement raté de la Jeunesse Musulmane mène au schisme entre le mouvement islamiste et le mouvement islamique. La société Islamique se scinde entre les partisans de la modération rassemblés autour du jeune Massoud et son ainé Rabbani qui fondent le Jamaat-e Islami et les éléments islamistes radicaux qui se rassemblent eux autour de Gulbuddin Hekmatyar qui lui fonde le Hezb-e Islami. Ce clivage et cette séparation profonde et durable, à tel point que Hekmatyar tentera d'assassiner le jeune Massoud alors âgé de 22 ans.

Gulbuddin Hekmatyar

Encore en vie aujourd'hui mais âgé de 70 ans, Gulbuddin est un véritable terroriste qui a d'abrod combattu les soviétiques sur les ordres de la CIA  dans le cadre de l'Opération Cyclone avec le soutien de l'ISI (les services secrets pakistanais). D'après Noam Chomsky, Gulbuddin Hekmatyar dirige "l'un des groupes fondamentalistes islamiques figurant vraisemblablement parmi les plus fanatique du monde et cet extrémiste terroriste était l'un des favoris de la CIA et le principal bénéficiaire des 3,3 milliards de dollars d'aide officielle des Etats-Unis aux rebelles afghans dans les années 90." Un montant à peu près équivalent dit-on aurait été fourni à l'époque par l'Arabie Saoudite.

Pourtant après la chute de la République démocratique d'Afghanistan de Mohammad Najibullah en avril 1992, Hekmatyar fut écarté du pouvoir auquel il estimait avoir le droit. Toujours soutenu par l'ISI, il participa à la bataille contre le commandant Massoud (qu'il avait déjà tenté d'assassiner lorsqu'ils étaient étudiant) pour le contrôle de Kaboul. Il n'hésita pas alors à bombarder sans relâche la ville que Massoud avait reprise, causant des milliers de morts et une destruction fut presque totale. Il commanditat le meurtres de nombreux journalistes, intellectuels et féministes.  Pris entre les talibans et les troupes de l'Alliance du Nord de Massoud, il s'enfuit et fini par se rallier implicitement aux talibans.

En 2003, Hekmatyar déclara à la télévision pakistanaise avoir aidé Oussama ben Laden et Ayman al-Zawahiri à s'enfuir des montagnes de Tora Bora lors d'une offensive des troupes américaines. Il déclara dans un enregistrement vidéo diffusé le 4 mai 2006 par la chaîne Al Jazeera vouloir désormais combattre sous le commandement d'Ayman al-Zawahiri, le numéro deux d'Al Qaïda. Il est depuis lors officiellement déclaré "terroriste" par les Etats-Unis.

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De 1992 à 1994, le commandant Massoud parvint à étendre son emprise sur la capitale en chassant les autres factions politiques afghanes. Bien qu'ayant combattu le président communiste Najibullah, Massoud n'était pas un taliban. C'était un indépendant, opposé aux extrémistes religieux ou politiques. A ce titre, il entretenu des relations tumultueuses avec les Pakistanais, les Américains, les Saoudiens, le parti d'Hekmatyar le Hezb-e Islami et les tendances pro-iraniennes ou pro-saoudiennes de son propre parti, le Jamaat-e Islami. Les Américains ne lui font pas confiance et leur politique internationale vise à soutenir les autorités du Pakistan, qui eux-mêmes soutiennent les talibans. Les puissances étrangères lui retirent petit à petit leur soutien logistique ou matériel mais Massoud parvient néanmoins à repousser les offensives talibanes sur son fief du Pandjchir.

De 1994 à 1996, les talibans, soutenus par l'armée pakistanaise, réussirent à conquérir l'essentiel du pays et instaurèrent une dictature fondamentaliste. Le 27 septembre 1996, ils prennent Kaboul et le mollah Omar, chef charismatique du mouvement et « commandeur des croyants », prend le contrôle du pouvoir.

Quand les talibans reprirent Kaboul en 1996, les femmes furent petit à petit de nouveau plongées dans l'esclavage. Les différentes milices tribales ivres de vengeance se livrèrent à une guerre impitoyable faites de massacres, de tortures et de viols à l'encontre des populations appartenant à des ethnies rivales. Rien qu'à Kaboul cette guerre de représailles fit au moins 50 000 morts. 

Le 2 juillet 2000, Massoud qui ne contrôlait plus qu'un petite zone dans le nord-est et qui ne représentait plus une menace pour les talibans sur le plan militaire qui avait réussit à tenir à distance de sa région les talibans, reçoit une délégation de femmes dans la vallée du Pandjchir et signe la Charte des droits fondamentaux de la femme afghane, rédigée et promulguée quelques jours plus tôt à Douchanbé (Tadjikistan) par des Afghanes en exil, à l'initiative de l'association NEGAR-Soutien aux femmes d'Afghanistan. Il est invité en avril 2001 à Strasbourg par Nicole Fontaine la présidente du Parlement européen. A cette occasion il y dénonce justement les ingérences étrangères et sollicite une aide financière pour répondre aux nécessités des familles fuyant le régime taliban et se réfugiant dans la vallée du Panjshir. En août 2001, il confie à un groupe de Français que l'aide humanitaire n'est pas arrivée. Victime d'un odieux complot, il est tué dans un attentat suicide commandité par Oussama Ben Laden le 9 septembre 2001 à Khwadja Bahauddin, dans la province de Takhar au nord-est de l'Afghanistan. L'ancien vice-ministre de l'Intérieur du régime taliban, le mollah Mohammed Khaksar confirma à l'Associated press le 17 août 2002 que Ben Laden avait effectivement exigé des deux deux kamikazes qu'ils interrompent leur voyage vers l'Indonésie pour exécuter cette mission.

Les auteurs de l'attentat étaient deux membres d'Al-Qaïda, les Tunisiens Dahmane Abd el-Sattar et Rachid Bouraoui el-Ouaer, deux hommes vivant à Bruxelles qui purent réussir à l'approcher grâce à une lettre de recommandation du Centre d'observation islamique (organisation basée à Londres). Ils se sont fait passer pour des journalistes munis de faux passeports belges et équipés d'une caméra volée à France 3 à Grenoble, élément qui met en évidence l'importance de la région sud-lyonnaise dans l'enquête terroriste. Le faux cameraman Bouraoui el-Ouaer fait exploser la ceinture de TNT scotchée sur son ventre. Massoud, gravement blessé au visage, est transporté en jeep dans un hélicoptère qui l'emmène à l'hôpital militaire de Farkhar mais il meurt au cours du trajet.

Sa mort a précédé de deux jours les attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis et les deux événements semblent étrangement coordonnés bien qu'apparemment sans rapport. À plusieurs reprises, Massoud avait essayé d'attirer l'attention de la communauté internationale sur le danger représenté par Oussama ben Laden. Massoud était marié et père de cinq filles et d'un fils. Après sa mort, sa famille part s'installer en Iran. Trois de ses filles ont mené des études de médecine en Égypte et son fils, Ahmad, qui a étudié au Royaume-Uni, souhaite mener une carrière politique en Afghanistan dans la lignée du combat de son père défunt. Massoud est vénéré comme un saint dans la vallée du Pandjchir où sa tombe fait l'objet d'un pélerinage, et semble être devenu pour les Tadjiks un héros national. Un très bon reportage de France 3 sur le combat de Massoud est consultable en ligne (ici)

Ahmed Chah Massoud : 2 septembre 1953 - 9 septembre 2001
Aujourd'hui, les talibans contrôlent toujours malheureusement plus de 40% de l'Afghanistan et 35% de la population. Le 21 avril 2017, une base de l'armée afghane fut attaqué près de Mazar-e Charif dans le Nord de l'Afghanistan fut attaquée par les talibans. Le journal Pakistan Today rapporta qu'au moins 140 soldats furent tués par de hommes déguisés avec des uniformes de l'armée régulière qui pénètrent dans la base à bord de véhicules militaires (voir ici). The Express Tribune, un autre quotidiens pakistanais souligna qu'il s'agissait ici du plus grand massacre jamais perpétré contre l'armée afghane (voir ici).



Principale Source : 

(1) Et si on parlait de l'Afghanistan? : terrains et textes, 1964-1980 par Micheline Centlivre et Pierre Centlivresun couple d'anthropologues et ethnologues vaudois spécialistes de l'Afghanistan et de l'Iran. 

En 2007, le couple a fait don à l'Etat de Vaud, un canton de Suisse dont la capitale et plus grande ville est Lausanne, de leur bibliothèque d’anthropologie, de leurs collections d’images populaires du Moyen-Orient et de petits catéchismes des métiers afghans, ainsi que de milliers de photographies réalisées sur le terrain, pendant plus de quarante ans. Les archives personnelles de travail complètent la généreuse donation de ce couple de chercheurs passionnés, convaincus que l’on n’a jamais fini d’acquérir les clés de compréhension du monde et que celui-ci « est intelligible pour autant que l’on soit à l’écoute de l’autre avec modestie et que l’on laisse parler l’émotion ».

Le Fonds Pierre et Micheline Centlivres créé à la BCU Lausanne comprend :

Dans les collections des Manuscrits : 
- les journaux de terrain des deux ethnologues
- leur correspondance
- des dossiers de presse
- de la documentation de colloque
- les cours donnés à l’université
- des archives de familles des cartes géographiques du Moyen-Orient
- des collections de cartes postales sur des thématiques diverses (expositions universelles, Première guerre mondiale, 1er avril, cartes postales afghanes de l’après-guerre).

Le Fonds Pierre et Micheline Centlivres comprend également une magnifique collection d’images populaires pieuses et politiques du Moyen-Orient, dont une petite partie est actuellement exposée à la Fondation Pierre Arnaud, dans le cadre de l’exposition « Visages de l’Orient ».

Dans les collections de monographies de l’Unithèque : 
- plus de 5000 ouvrages relatifs à l’Afghanistan, l’Inde, le Moyen-Orient, l’Asie centrale du 18e au 21e siècle
- un millier de fascicules de revues, des petits catéchismes des métiers afghans.

Tous les autres documents réunies par le couple d'anthropologues au cours de leur vie sont répartis entre le Musée de l'Elysée en Lausanne et la Bibliothèque de l'Institut de Hautes Études Internationales et du Développement.

Le Fonds du Musée de l'Elysée 

Le Fonds Pierre Centlivres et Micheline Centlivres-Demont créé au Musée de l’Elysée comprend des milliers de photographies sous forme de tirages, négatifs ou de diapositives. Résultat d’un travail de plusieurs dizaines d’années de voyages et de terrain ethnographique, les photographies seront peu à peu déposées au Musée de l’Elysée. 

Le Fonds est accessible aux chercheurs, aux éditeurs et à toutes les institutions qui désireront utiliser les photographies dans des projets d’exposition ou de publication. L’Afghanistan, qui constitue un des points forts de cette importante collection, est aujourd’hui l’un des sujets les plus intéressants, du point de vue culturel et scientifique. Le Fonds Centlivres viendra compléter d’un regard moderne les fonds du Musée qui ont pour sujet l’Asie, tels ceux d’Ella Maillart, de Nicolas Bouvier, de Jacot-Guillermot ou de Lehnert et Landrock. 

Le Fonds Afghanistan de la bibliothèque de l'Institut de Hautes Études Internationales et du Développement (IHEID) 

Le Fonds Afghanistan de la bibliothèque de l’IHEID de Genève contient des documents rapportés des longs séjours de recherche de Pierre et Micheline Centlivres-Demont effectués entre 1966 et 2005. Le fonds comprend des périodiques, des coupures de presse, des rapports, des cartes. Cette documentation se rapporte à différentes thématiques : les évènements politiques, les réfugiés ou encore la diaspora afghane. Elle couvre principalement la période des années 1980 à nos jours avec quelques documents remontant aux années 1950.

Autres Sources : 

Le voyage d'Amān Ullāh, roi d'Afghanistan : 1927-1928  par Iḥsān Allāh.

Encyclopédie Britannica : concernant les biographies des différents rois

 L'Ombre des Taliban par Ahmed Rashid


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