Penser différemment du système est un crimepensée!


Croire sur paroles nos gouvernements est la norme souhaitée par nos maîtres. Faire le choix d'étudier par soi-même l'histoire, se questionner et remettre en question ce que nous apprenons par les voix dites "officielles" ne sont pas des pratiques admises. Ces attitudes peuvent rapidement nous transformer aux yeux du système en une personne dite "à risque" ou pire en "complotiste" ou en "cinglé", bref en citoyen nuisible et dangereux, un citoyen qu'il faut faire taire.

Ces étiquettes fallacieuses rappellent les pratiques du Komintern (l'association des communistes sous la direction de Staline) dont le mot d'ordre dans les années 30 était de traiter de fascistes tous les adversaires du communiste. Peu importe les propos de leurs détracteurs, à partir du moment où ces derniers n’étaient pas communistes, brandir contre eux l’étiquette de fasciste était suffisant pour stopper tout échange avec ces derniers et les bannir. De la même manière, les individus qui au Moyen-Age remettaient en cause et renier les dogmes de l'Eglise Catholique (souvent des érudits comme des scientifiques ou des théologiens) étaient traités d'hérétiques puis condamnés à être brulés vif au bucher (Galilée, Giordano Bruno, Michel Servet pour les plus connus).

Bien que l'étiquette de "complotiste" s'avère être au XXIe siècle une situation bien moins inconfortable et dangereuse qu'une condamnation à mort de jadis pour hérésie, nous pouvons néanmoins observer que les procédés et schémas de défense des instances au pouvoir et des faiseurs d’opinions sont toujours les mêmes et ne visent qu'une chose : le formatage et l'uniformisation de la pensée et du comportement des masses en entérinant une culture de l'illusion qui minera toute aptitude des gens à réfléchir par eux-même. Ce mode opératoire fonctionne toujours de la même manière. Lorsque le système ou un agent du système identifie aujourd'hui un agent différent, un agent potentiellement dangereux pour sa sécurité, son bon fonctionnement et menaçant d'une quelconque manière son pouvoir, ces derniers décident alors de l’étiqueter en des termes péjoratifs, qui auront pour but de le marquer au fer médiatique et de le placer d'une certaine manière en quarantaine. Cette camisole sociale et idéologique aura pour but de contenir le citoyen rebelle pathogène et d'entraver le rayonnement de sa réflexion en l'empêchant d’atteindre une masse critique de personnes et donc de potentiellement les réveiller afin que le système ne subisse aucune déstabilisation.

« L'état souverain ne veut pas que ces citoyens soient libres, qu'ils pensent par eux-mêmes. Il les domine donc par tous les moyens possibles, propagande, interprétations historiques déformées, etc. Voilà pourquoi l'éducation consiste de plus en plus à enseigner "quoi penser" et non "comment penser". Si notre pensée était indépendante du système politique en vigueur, nous serions dangereux ; des institutions libres pourraient former des pacifistes ou des hommes dont la pensée serait contraire au régime. 
»
Krishnamurti - De l'éducation

Se débarrasser d’un adversaire et de sa critique en l’étiquetant facilement de complotiste, de fasciste, de raciste, parfois même d’antisémite ou tout simplement en le médicalisant en le traitant de malade ou de paranoïaque, sans prendre le temps de l’écouter réellement et d’apporter le moindre contre-argument valable à ses prises de positions, est une situation typiquement orwellienne qui ne peut selon moi convenir qu'à des individus sans discernements et sans grande clairvoyance. 

1984 et le crimepensé

Une situation orwellienne est une situation revêtant un caractère totalitaire et manipulant l'information. Cette dénomination fait référence à l'écrivain et journaliste britannique George Orwell et son roman 1984. Dans ce roman d'anticipation paru en 1949, George Orwell nous dépeint une société futuriste où il est interdit de penser différemment du système et où toute digression même par le langage et la pensée est un crime punissable. La pérennité de cette dictature se fait à l'aide de trois moyens : le miniver (ou Ministère de la vérité), la police de la pensée et le novlangue. Dans la société décrite dans le roman, le simple fait de penser différemment à Océania (le continent sur lequel se déroule l’histoire) est considéré par l’Angsoc (le système dictatorial en place) comme un crime, le crime le plus grave qui puisse exister, « le crimepensée ». La dictature a alors mis en place une police, la police de la pensée, chargée de découvrir les "crimepensées" via la surveillance de masse omniprésente, la psychologie et les interrogatoires puis de punir ou d’éliminer leurs auteurs. Le Ministère de la vérité, quant à lui, est en réalité le ministère de la propagande et du mensonge. Sa fonction est d’instrumentaliser l'histoire en réécrivant le passé à sa guise en falsifiant ou en éradiquant des preuves historiques.

Le novlangue

L'Angsoc utilise un troisième outil de conditionnement encore plus puissant et plus insidieux que les deux premiers : le novlangue. Le novlangue est la langue officielle d’Oceania et le principal outil permettant de contrôler les masses en rendant toute opinion dissidente caduque et inexistante. Il a été mis en place par le système en détruisant l’ancilangue correspondant chez nous à l’anglais standard. Le procédé est simple, plus on diminue le nombre de mots d’une langue, plus on réduit les finesses du langage, plus on diminue du coup le nombre de concepts sur lesquels on peut réfléchir. Pourquoi? Parce que comme l’a si bien dit le philosophe et mathématicien autrichien Ludwig Wittgenstein : « Les frontières de mon langage sont les frontières de mon monde . » Ce qui signifie que notre langage et le nombre de mots que l'on connait et que l’on utilise tracent qu’on le veuille ou non une limite à ce que nous pouvons penser. Une pensée qui est inexprimable dans mon langage car je ne possède pas le vocabulaire, la syntaxe et donc les capacités linguistiques et intellectuelles pour la formuler, lui donner vie et la rendre compréhensible, est en fait une opinion que je ne peux pas penser. C’est ce que l’on appelle le déterminisme linguistique. 

L’intérêt principal du novlangue est de simplifier au maximum le champ lexical et syntaxique de la langue afin de rendre impossible l’émergence et l'expression d'idées potentiellement subversives et d'éviter toute formulation de critiques du système. L’objectif ultime étant d’aller jusqu’à empêcher la naissance même de l’idée de contestation dans l’esprit des citoyens. En effet, si le langage est restreint au point de tarir toute expression et opinion dissidente et cela même jusque dans l’esprit des gens, une police de la pensée devient alors inutile. Pour cela, le novlangue modifie le sens des mots et remplace des termes du langage par d’autres afin d'en réorienter l'usage. Tous les mots groupés autour de certains concepts tabou pour le système comme la liberté, l'égalité, la justice, la mortalité, la démocratie, l'honneur, la science ou la religion ont tout simplement cessés d’exister et sont tous contenus et englobés dans le terme "crimepensée". Le novlangue légitime ainsi la présence de la police de la pensée.

De par ce procédé, les distinctions faites habituellement entres différentes idées sont désormais impensables car inexprimables. Le mot "libre" par exemple existe encore en novlangue mais n'est désormais plus employé que dans des phrases du type "la voie est libre" ou "cet ouvrage est libre de droits". Plus personne ne le comprend ou ne l'emploi dans le sens ancien de "politiquement libre", "physiquement libre" ou "intellectuellement libre". Les libertés n’existant plus même sous la forme de concepts, elles n’avaient donc plus nécessairement besoin de noms...

Dans notre société par exemple, le terme de "construction européenne" s'apparente à du novlangue. Présenté et employé par le système comme quelque chose de bénéfique, ce terme est en réalité simpliste et trompeur et sert en réalité à désigner la mise en oeuvre du libre échange et de la libre concurrence au sein de l'Europe ainsi que bon nombres d'autres attitudes toutes profondément antisociales et destructrices pour les peuples et l'environnement, des décisions servant uniquement l'intérêt de grandes entreprises. Sous un masque de progrès, la "construction européenne" sert habilement à désigner des institutions totalement non démocratiques, des institution "étaux" immobilisant les peuples et des pays en les forçant à "jouer" de la même manière alors que leur économie et leur problématique ne sont pas forcément les mêmes.

Les ressorts novlangue utilisés pour appauvrir  le langage

Le pluriel est simplement marqué par un s pour tous les mots (des chevals, des genous) et les verbes se conjuguent tous de la même manière et doivent désormais dériver du nom correspondant à la chose rendant son action possible. Là où l’ancilangue utilisait « to cut » pour dire couper, le novlangue appauvrit le langage en utilisant « to knife » qui au départ signifie couteau. "Je coupe" en français donnerai en novlangue "je couteau" ou "je ciseau". Une autre méthode consiste dans certains cas à utiliser un rythme élevé de syllabes dans les mots afin de les rallonger pour que la vitesse de prononciation d’un mot soit lente afin d'empêcher la réflexion. 

Pour finir, le novlangue conditionne les esprits par la « double pensée », une méthode consistant à associer deux termes différents en un seul mot afin que la pensée de l’un soit irrémédiablement associée à la pensée de l’autre. Le terme « crimsex » (crimesexe) sert par exemple à désigner les activités sexuelles pratiquées pour le plaisir et en dehors d’un but de reproduction là où le « goodsex » (bonsexe) désigne le seul rapport sexuel acceptable par la société, celui à but reproductif. Notre système dictatorial fait de même lorsqu’il parle par exemple de démocratie représentative. Le simple fait d’accoler les deux mots revient à laisser entendre que la représentativité est synonyme de démocratie alors que c’est pourtant tout son contraire! Démocratie signifie que le pouvoir est exercé par le peuple alors que la représentativité implique que le peuple perde totalement son pouvoir en le confiant à des représentants. Comme disait Rousseau : « Le peuple ne peut avoir de représentants, parce qu'il est impossible de s'assurer qu'ils ne substitueront point leurs volontés aux siennes et qu'ils ne forceront point les particuliers d'obéir en son nom à des ordres qu'il n'a ni donné ni voulu donner ».

Sans les livres, il ne suffirait à notre monde qu'une ou deux générations conditionnées au novlangue pour connaître le totalitarisme absolue... Dans son roman d'anticipation Fahrenheit 51, Ray Bradury imagina précisément une société où il était formellement interdit de posséder des livres et où ces derniers étaient systématiquement brulés. 1984 de George Orwell, le Meilleur des Monde d’Aldous Huxley et Fahrenheit 451 de Ray Bradbury sont les trois ouvrages majeurs permettant de comprendre tous les méfaits, les dangers et les dérives dictatoriales de notre époque et de notre système actuel.


Quand la fiction devient réalité

Bon nombres de situations anxiogènes et délirantes dépeintes dans 1984 existent malheureusement dans nos sociétés. C'est d'ailleurs parce que ces situations germaient déjà à son époque, qu'Orwell a pu avoir une base de travail afin d'imaginer leurs évolution et leurs dérives. Comme l'Angsoc dans 1984, les gouvernements et les médias d'aujourd'hui modifient l'histoire et le sens des mots tout en ostracisant, stigmatisant et condamnant les gens susceptibles de pouvoir mettre en péril leur système. 

Concernant le langage et son importance capitale pour la maturité de la pensée, on observe avec effarement qu'il s’est appauvri dans toutes les sociétés modernes occidentalisées et que la dystopie d'Orwell commence dangereusement à se dessiner depuis plusieurs décennies. Réduire les finesses du langage a pour effet d'endommager la faculté de pensée et de rendre les gens ignorants, stupides, incultes, dépendants et profondément manipulables par le système. Nos élites le savent parfaitement et s'attèlent activement à la tâche! Aux Etats-Unis par exemple, environs 50 millions d’américains ont le niveau de lecture d’un enfant de 10 ans. L’analphabétisation complète ou fonctionnelle touche le tiers de la population. Concernant les diplômés, le tiers de ceux du secondaire ne liront plus un seul livre pour tout le reste de leur vie. En 2007, 80 % des familles américaines n’ont ni acheté ni lu le moindre livre. Le monde se dirige vers des générations de parfaits ignorants et de citoyens passifs comme le souhaite le système afin de maintenir sa domination.

En 2002, la Princeton review a analysé les débats électoraux ayant opposé Al Gore et George W.Bush en 2000, Bill Clinton, George Bush père et Ross Perot en 1992, John F. Kennedy et Richard Nixon en 1960 et enfin Abraham Lincoln et Stephen Douglas en 1858. Les chercheurs ont ensuite comparé les transcriptions à l’aide d’un test de vocabulaire normalisé indiquant le niveau d’instruction minimal que devait posséder un lecteur pour comprendre un texte. Lors du débat Lincoln-Douglas, Lincoln a employé un langage dont la compréhension exige 11,2 années de scolarité, tandis que le discours de Douglas en demandait 12. Pendant le débat Kennedy-Nixon, les deux candidats ont parlé une langue accessible à une personne ayant cumulé 10 ans de scolarité. En 1992, les propos de Clinton obtiennent un score de 7,6 années, ceux de Bush père 6,8 et ceux de Perot 6,3. Les débats de 2000 obtiennent sensiblement les mêmes résultats, avec 6,7 années pour Bush fils et 7,6 pour Gore.

« L'éducation conventionnelle ne nous permet d'atteindre que très difficilement à une pensée indépendante. La conformité mène à la médiocrité »
Krishnamurti - De l'éducation

Tout cela n'a rien d’étonnant vu que le système mise sur toujours plus de programmes débiles et infantilisant pour abrutir la population et que de leur côté, la majorité des citoyens se droguent chaque jour aux images, aux commérages et aux futilités que permettent les réseaux sociaux qui de part leur instantanéité, les smileys ou les acronymes, encouragent une pensée rapide et simpliste entrainant à terme une superficialité cognitive et morale. Couplez cela à une absence de but et de conscience du monde causée par une dégradation des systèmes éducatifs et scolaires, de l’éducation familiale et un profond manque de spiritualité, ajoutez-y les divertissements et la consommation à outrance suscitée quotidiennement par la publicité, ciblant de manière perfide nos désirs au détriment de la raison, et vous vous rendrez compte que l’abrutissement est parfait.

« Les gens dont la culture politique est fondée sur le renoncement au pouvoir, au savoir et au sens des responsabilités, et dont la souffrance psychique se caractérise par une angoisse de inutilité, n’hésitent pas à dépenser sans compter. Ce sont des consommateurs idéaux. En les exposant à de petites doses d’ennui, d’impuissance, de misère sexuelle, de mortalité et de paranoïa, on peut leur faire acheter pratiquement n’importe quoi (ou voter pour n’importe qui) tant que l’emballage est attrayant » 
Wendell Berry, Tne Unsettling of America



L'établissement et le maintien de la dictature actuelle en trois étapes 

1- La confusion

Mise en avant par George Orwell dans son roman 1984, la confusion passe par deux phases :

1- Annihiler, par divers procédés, les facultés des citoyens à réfléchir et à agir de manière bénéfique pour leur vie

2- Rendre inaudible ou invisible les "experts", ces individus clairvoyants (et en dehors des normes) susceptibles de réveiller l'ensemble autres citoyens en les amenant à penser autrement et en les motivant à changer de système.

2- La menace

Empêcher toute idée de rébellion citoyenne en commençant par instaurer dès l'enfance les notions d'obéissance et surtout de châtiment en cas de désobéissance, puis de continuer ce conditionnement en instillant doute, peur et sentiment d'impuissance par le biais de figures d'autorité (policiers, militaires, juges etc.) habilitées à menacer, violenter (immobilisation, coups, gazage) ou sanctionner (arrestations, casiers judiciaires, gardes à vue et autres type d'enfermements)

3- La distraction 

La distraction par le plaisir est la méthode ultime visant à empêcher le peuple de se réveiller et de se responsabiliser en prenant en main son destin. Je qualifie la distraction de "méthode ultime" car elle a la perversité de constamment faire appel aux désirs des hommes afin de le déconcentrer. Par la méthode de la distraction, les hommes ne se soucient plus des enjeux à long terme relatifs à la qualité et au destin de la vie individuelle et collective. Plus les sources de distraction sont grandes, plus l'aliénation de la population, la dépolitisation des masses et l'indifférence au monde se généralisent! "Panem et circenses" ou en français "du pain et des jeux" comme disait Juvénal, un poète satiriste latin, dans sa critique des jeux du cirque ; jeux qui n'étaient pour lui qu'un moyen stratégique de l'élite pour distraire la plèbe et ses autres administrés. Cette méthode de la distraction par le plaisir fut reprise et popularisée par Aldous Huxley dans son roman d'anticipation Le Meilleur des Mondes.

La confusion, la menace et la distraction des masses sont les trois pilliers sur lequel repose le pouvoir des puissants. Un pouvoir permettant aux ploutocrates d'avoir les mains parfaitement libres pour s'enrichir toujours d'avantages et de décider du sort du mone quitte à détruire la planète et ses habitants.


La vision d'Huxley sur la dictature

Dans 1984, Orwell présente un monde où la notion de liberté et d'intimité ont totalement disparu, un monde où la vérité est dissimulée ou trafiquée et où la police est systématiquement envoyée lorsque le peuple transgresse le code de conduite de l'Angsoc. La dissimulation d'informations et la propagation de la peur par des moyens punitifs sont donc les deux ressorts préventifs de dissuasion utilisée par la dictature. Dans l'esprit d'Huxley en revanche, rien de tout cela n'est nécessaire. Là où Orwell dépeignait une dictature aux actions intimidantes et menaçantes, Huxley imagina avec une dictature surprenante car fournissant plaisir sur plaisir. Là où Orwell expliquait que la propagande était nécessaire pour empêcher les citoyens d'accéder aux informations susceptibles de découvrir la vérité, Huxley pensait que noyer perpétuellement ces informations dans un gigantesque torrent d'informations subsidiaires serait suffisant pour désintéresser, décourager ou empêcher les citoyens de démêler le vrai du faux.

« La dictature parfaite serait une dictature qui aurait les apparences de la démocratie, une prison sans murs dont les prisonniers ne songeraient pas à s’évader, un système d’esclavage où, grâce à la consommation et au divertissement, les esclaves auraient l’amour de leur servitude. »
Aldous Huxley, Le Meilleur des Mondes


« Sous la poussée d’une surpopulation qui s’accélère et d’une sur-organisation croissante et par le moyen de méthodes toujours plus efficaces de manipulation des esprits, les démocraties changeront de nature. Les vieilles formes pittoresques -- élections, parlements, Cours suprêmes, et tout le reste -- demeureront, mais la substance sous-jacente sera une nouvelle espèce de totalitarisme non violent. Toutes les appellations traditionnelles, tous les slogans consacrés resteront exactement ce qu’ils étaient au bon vieux temps. La démocratie et la liberté seront les thèmes de toutes les émissions de radio et de tous les éditoriaux. Entretemps, l’oligarchie au pouvoir et son élite hautement qualifiée de soldats, de policiers, de fabricants de pensée, de manipulateurs des esprits, mènera tout et tout le monde comme bon lui semblera. »


Aldous Huxley, Retour au Meilleur des Mondes


Pourquoi interdire les livres lorsque l'on a réussit à façonner un monde où quasiment plus personne ne veut les lire, trop absorbé par les distractions et la facilité? Pourquoi vouloir censurer Youtube lorsque l'on sait que les vidéos réellement importantes ne sont pas regardées là où les vidéos futiles et insignifiantes (d'humour, de divertissement et de conseils beauté) sont vues par millions? Pourquoi interdire aux citoyens de réfléchir, d'enquêter et d'embraser la complexité (et enfin de la saisir) lorsque la facilité, l'ignorance et la paresse intellectuelle sont devenues la norme?  Pourquoi le système devrait-il se préoccuper de travestir constamment le réel puisque quasiment plus personnes ne s'intéressent à la réalité? La majeure partie des gens préférant aujourd'hui vivent dans les matrices du moment que sont Instagram et Snapchat (auparavant Facebook puis encore avant la télévision) ; des endroits fictifs où l'hypnose par l'image est la règle et où la réflexion n'existe pas. Chaque jour, ces matrices idéalisantes alimentent les mauvais penchants des hommes (narcissisme, égocentrisme, superficialité liée aux apparences, jalousie, voyeurisme) tout en les asservissant et les abêtissant par centaines de millions. Pour finir, pourquoi s'évertuer à dissimuler la vérité dans un monde où les vérités révélées ne suscitent plus aucun émoi et aucun geste de révolte de la part du peuple? Qu'ont-fait les citoyens des révélations d'Edward Snowden, William Binney, John Perkins, Kevin Shipp ou encore Aaron Russo dont la moindre des révélations aurait pu être l'élément déclencheur des prémices d'une révolution globalisée? Absolument rien... Chaque révélation de lanceurs d'alerte a fait dans l'opinion l'effet d'un pétard mouillé... Comme dit le dicton, c'est entré par une oreille et c'est ressorti par l'autre! L'apathie et le syndrome du Titanic semblent s'être généralisés à l'ensemble de la population... 

Le syndrome du Titanic

Le 14 avril 1912, dans l'après-midi précédant le fameux naufrage, pas moins de cinq navires envoyèrent le même message au Titanic lui indiquant que des zones de glaces se trouvaient sur sa trajectoire. Vers 19h30, le paquebot reçu trois nouveaux messages d'un même navire lui signalant de grands icebergs dans sa zone. A chaque fois, le commandant Edward Smith ne voulu rien entendre; Son attitude sidérante et déraisonnée entraina la mort de près de 1500 passagers ; ce fut la catastrophe marine la plus meurtrière de l'époque et l'une des plus grandes catastrophe maritime en temps de paix de l'histoire des hommes.  En adoptant la même attitude, nous sommes devenus sans nous en rendre compte les capitaines d'un nouveau Titanic. En refusant comme lui de prendre en compte les signaux d'alerte et nos propres icebergs, notre comportement va nous conduire au désastre...

La plupart des gens sur Terre n'ont aucune conscience du monde et ne sont malheureusement tournés que vers eux-même. A chaque nouvelle forfaiture, à chaque nouvelle injustice, les citoyens, plutôt que de se regrouper et d'agir ensemble en tentant de trouver des solutions, se contentent lâchement de faire l'autruche et de poursuivre égoïstement leurs petites vies routinières et individualistes alternant travail obligatoire et divertissement afin de pouvoir compenser leur mal-être. Tant que l'ère de l'individualisme et de l'indifférence règnera, nul changement majeur ne pourra avoir lieu.

« Les gens qui refusent de voir les choses telles qu'elles sont ne font qu'appeler à leur propre destruction et quiconque persiste à demeurer en état d'innocence est morte et devient un monstre»
James Baldwin, Chronique d'un pays natal (1955)

Comme pour les programmes d'ordinateurs et les applications mobiles, où nous acceptons systématiquement les conditions d'utilisation sans même les lire, nous avons "accepter" de la même manière, de par notre venue au monde dans ce système, des conditions d'utilisation qui cette fois détermineront le futur de l'humanité et de la planète. La plupart de ces "conditions d'utilisation du monde" étant inacceptables, nous nous devons d'agir dès maintenant pour alléger l'effondrement de notre monde qui désormais semble inévitable.

« Il n’y a pas d’émancipation possible sans la prise de conscience explicite de ce par quoi on est asservi, et plus fondamentalement sans la conscience même de l’asservissement, jusque-là étouffée, anesthésiée par les habitudes et le poids des conformismes. »
Alain Accardo, Le petit bourgeois gentilhomme (2003)

« Orwell craignait ceux qui interdiraient les livres. Huxley redoutait qu'il n'y ait même plus besoin d'interdire les livres car plus personne n'aurait envie d'en lire. Orwell craignait qu'on nous cache la vérité. Huxley redoutait que la vérité ne soit noyée dans un océan d'insignifiances. Huxley redoutait que notre culture ne devienne triviale, seulement préoccupée de fadaises. Car, comme le faisait remarquer Huxley dans retour au meilleur des mondes, les défenseurs des libertés et de la raison, qui sont toujours en alerte pour s'opposer à la tyrannie, "Ne tiennent pas compte de cet appétit quasi insatiable de l'homme pour les distractions ". Dans 1984, ajoutait Huxley, le contrôle sur les gens s'exerce en leur infligeant du plaisir. En bref, Orwell craignait que ce que nous haïssons ne nous détruise; Huxley craignait que la destruction ne vienne plutôt de ce que nous aimions. »
Neil Postman, Se distraire à en mourir

"Pour étouffer par avance toute révolte, il ne faut pas s’y prendre de manière violente. Les méthodes du genre de celles d’Hitler sont dépassées. Il suffit de créer un conditionnement collectif si puissant que l’idée même de révolte ne viendra même plus à l’esprit des hommes. L’idéal serait de formater les individus dès la naissance en limitant leurs aptitudes biologiques innées (cf. les individus de type alpha, béta, gamma). Ensuite, on poursuivrait le conditionnement en réduisant de manière drastique l’éducation, pour la ramener à une forme d’insertion professionnelle. Un individu inculte n’a qu’un horizon de pensée limité et plus sa pensée est bornée à des préoccupations médiocres, moins il peut se révolter. Il faut faire en sorte que l’accès au savoir devienne de plus en plus difficile et élitiste. Que le fossé se creuse entre le peuple et la science, que l’information destinée au grand public soit anesthésiée de tout contenu à caractère subversif. Surtout pas de philosophie. Là encore, il faut user de persuasion et non de violence directe : on diffusera massivement, via la télévision, des divertissements flattant toujours l’émotionnel ou l’instinctif. On occupera les esprits avec ce qui est futile et ludique. Il est bon, dans un bavardage et une musique incessante, d’empêcher l’esprit de penser. On mettra la sexualité au premier rang des intérêts humains. Comme tranquillisant social, il n’y a rien de mieux. En général, on fera en sorte de bannir le sérieux de l’existence, de tourner en dérision tout ce qui a une valeur élevée, d’entretenir une constante apologie de la légèreté ; de sorte que l’euphorie de la publicité devienne le standard du bonheur humain et le modèle de la liberté. Le conditionnement produira ainsi de lui-même une telle intégration, que la seule peur  qu’il faudra entretenir sera celle d’être exclus du système et donc de ne plus pouvoir accéder aux conditions nécessaires au bonheur. L’homme de masse, ainsi produit, doit être traité comme ce qu’il est : un veau, et il doit être surveillé comme doit l’être un troupeau. Tout ce qui permet d’endormir sa lucidité est bon socialement, ce qui menacerait de l’éveiller doit être ridiculisé, étouffé, combattu. Toute doctrine mettant en cause le système doit d’abord être désignée comme subversive et terroriste et ceux qui la soutienne devront ensuite être traités comme tels. On observe cependant, qu’il est très facile de corrompre un individu subversif : il suffit de lui proposer de l’argent et du pouvoir."
Serge Carfantan, 2007, leçon 163 : Sagesse et révolte

« Certes, je ne suis qu'un. Mais je suis. Je ne peux pas tout faire. Mais je peux faire quelque chose. Et le fait de ne pas pouvoir tout faire ne m'autorise pas à refuser de faire ce que je peux faire. »
Edward Everett

« Soyez résolus de ne plus servir et vous voilà libres »
Etienne de la Boétie 



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